Dette privée: 2022 démarre par un décrochage
Volume des financements sécurisés, nombre de fonds actifs, taux de rentabilité interne, etc, plusieurs indicateurs de cette industrie ont reculé.
Le spécialiste mondial des actifs alternatifs (Capital-Investissement et en particulier Capital-risque ou Venture Capital ou VC, dette privée, Fonds spéculatifs, matières premières, art, etc), Preqin, a rendu public le 11 avril 2022, son rapport sur l’état des marchés mondiaux de la dette privée. La dette privée désigne globalement l’investissement en capital qui permet d’acquérir la dette d’une entreprise (en général privée) non cotée, c’est-à-dire en dehors des marchés publics et du système bancaire. Les différentes classes d’actifs de la dette privée comprennent le financement «Mezzanine», une forme hybride de financement (dette et fonds propres) qui donne à l’investisseur la possibilité de convertir ses actions si l’entreprise financée tombe en faillite; le «Direct Lending», c’est-à-dire des prêts directs accordés aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) en dehors du système bancaire; les «Venture Debt Funds» (les Fonds de créances d’investissement), spécialisés dans le financement de la dette des entreprises en phase de démarrage ou les start-ups ; les «Distressed Debt» (Créances en difficultés), une classe d’actifs intermédiaire entre les deux premières et la troisième.
Selon Preqin, les fonds de dette privée, 22 au total, ont pu sécuriser 33 milliards USD au premier trimestre de 2022. Soit une baisse en valeur absolue et en glissement annuel (c’est-à-dire par rapport à la même période en 2021) de 10 milliards USD. Au premier trimestre 2021 en effet, 59 fonds de dette privée étaient parvenus à mobiliser 43 milliards USD. La performance de cette industrie au cours du premier trimestre 2022 signe ainsi la sortie de route de deux de ses indicateurs majeurs : le volume des investissements sécurisés et le nombre de fonds impliqués. Et les reculs de ces deux indicateurs actent en retour, le repli global du marché par rapport à une année 2021 déjà considérée, au regard de ses performances, comme une année record.
Le rapport de Preqin indique aussi que le grand appétit des investisseurs pour la dette privée a porté à 723 le nombre de fonds de dette privée actifs durant toute l’année 2021 et ce jusqu’au début de 2022, soit une croissance annuelle de 32%. Là aussi, le premier trimestre de 2022 a été moins dynamique, avec une croissance retombée à 1% en glissement annuel, montrant ainsi une perte de dynamisme des prêteurs privés. La faute, selon Preqin, à l’extrême volatilité du marché et même des autres marchés financiers ; aux incertitudes liées à l’inflation dans le monde ; à la hausse des taux directeurs (et la hausse subséquente des taux d’intérêts pratiqués par les banques) ; et, plus généralement, aux modifications permanentes des perspectives économiques mondiales.
Crise financière internationale
Cette perte de dynamisme des prêteurs privés durant les trois premiers mois de 2022 contrevient déjà à une tendance mondiale à l’œuvre depuis 2008. Le resserrement des réglementations dans la sphère bancaire traditionnelle ou de détail décidé par les autorités publiques nationales en réaction à la crise financière avait en effet entraîné un repli tendanciel des banques dans le financement de l’économie et en particulier des PMEs. Or face aux vastes plans de consolidation rendus nécessaires par la crise économique qui avait suivi la crise financière, celles-ci avaient grand besoin de financements. Depuis lors, les prêteurs privés n’ont plus cessé d’occuper le vide laissé par le repli des banques de détail.
Conséquence directe de cette tendance : depuis le début de la décennie 2010, la dette privée offre globalement un profil de rendement plus stable, avec une stabilité orientée à la hausse.
Selon le récent pointage de Preqin, le taux de rentabilité interne-plus connu sous son acronyme anglais IRR (Internal Rate of Return) et qui mesure le rendement d’un investissement potentiel-de la dette privée a crû de 18,7% entre septembre 2020 et septembre 2021. Avec comme moteurs, les «Distressed Debt» et les «Direct Lending». Le «pas de côté» constaté et documenté par Preqin ne devrait donc pas se maintenir dans la durée. Au contraire. L’industrie de la dette privée serait plutôt programmée pour la croissance. «Les prochaines années promettent d’être volatiles pour les marchés de la dette privée, à mesure que les taux d’intérêt [des banques centrales et des banques commerciales, ndlr] vont se mettre à croître. Les actifs sous gestion de cette industrie devraient croître de 70% pour atteindre 1,5 trillion USD sur les quatre prochaines années», présidait, en décembre 2021, Paul Gulberg, un analyste senior de Bloomberg Intelligence.