Cameroun : Huit mois pour accélérer la cadence et éviter la «liste noire» du GAFI
Pour y parvenir, Yaoundé devra mettre en œuvre de réformes arrêtées conjointement avec le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac) en 2021. «Enjeux Economiques» publie, en intégralité, la liste des mesures prioritaires arrêtées dans le cadre du dernier Rapport d’évaluation mutuelle établi avec le gendarme régional.
Sur la base de ces conclusions générales, les actions prioritaires recommandées aux autorités du Cameroun sont les suivantes :
a) Poursuivre la dissémination du rapport de l’ENR pour assurer une large diffusion de ses conclusions auprès de toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à une amélioration cohérente et continue de la compréhension des menaces, vulnérabilités et risques de BC/FT dans le pays. Cette stratégie de dissémination devrait associer des programmes de vulgarisation des conclusions de l’ENR, de formation et de sensibilisation accrues des acteurs concernés, en ciblant notamment les IFNB et les EPNFD sur leurs rôles et responsabilités respectifs dans le système de LBC/FT du pays. L’ENR devrait également être régulièrement mise à jour ;
b) Initier une étude spécifique des risques d’utilisation abusive des personnes morales et constructions juridiques à des fins de BC/FT et considérer cette étude lors de la mise à jour de l’ENR en vue de proposer des mesures d’atténuation adéquates ;
c) Entreprendre la mise en œuvre du plan d’actions adopté à la suite de l’ENR en ayant recours à l’approche fondée sur les risques pour une meilleure allocation des ressources et établir un mécanisme d’évaluation de la mise en œuvre des actions programmées par toutes les parties prenantes ;
d) S’assurer que sur la base des conclusions de l’ENR, les entités déclarantes et les autorités de contrôle et de supervision intègrent et appliquent l’approche fondée sur les risques dans leurs activités et missions, afin de permettre la mise en œuvre des mesures renforcées pour les situations à haut risque et des mesures simplifiées pour les situations évaluées à faible risque et, dans ce dernier cas, parvenir à atténuer le caractère informel de l’économie en promouvant l’inclusion financière ;
e) Etablir une autorité de coordination des politiques nationales de LBC/FT, en s’appuyant sur le modèle institué par la Directive N°01/16/CEMAC/UMAC/CM du 12 décembre 2016 afin de disposer d’une plateforme de coordination, d’échange d’informations et d’évaluation efficace pour la mise en œuvre cohérente par tous les acteurs des politiques nationales de LBC/FT ;
f) Promouvoir la coopération opérationnelle entre autorités compétentes, y compris avec les autorités de régulation, de contrôle et de supervision, notamment en encourageant la conclusion d’accord entre elles, afin de faciliter le partage d’informations et la mise en œuvre d’actions ou de mesures de lutte conjointes ;
g) Développer des mécanismes de collecte de données statistiques et tenir des statistiques complètes, consolidées et à jour sur toutes les questions relatives aux enquêtes, poursuites, condamnations ainsi qu’aux biens gelés, saisis ou confisqués, afin de permettre aux autorités de disposer de données quantitatives fiables pour mesurer l’efficacité de leur dispositif de LBC/FT et de répartir les ressources de manière appropriée ;
h) Renforcer la sensibilisation aux normes sur la LBC/FT des EPNFD et des OBNL afin de permettre une meilleure détection des flux financiers illicites dans les secteurs non financiers, en considération de leur niveau de risques de BC/FT ;
i) Renforcer les capacités des autorités d’enquêtes et de poursuite pénales en les dotant des ressources humaines, financières et logistiques nécessaires et en les formant sur les techniques d’enquêtes financières, y compris pour l’identification des produits du crime aux fins de confiscation, afin d’accroître leur niveau d’efficacité et obtenir des condamnations pour BC/FT ;
j) Mener des actions de sensibilisation et de formation auprès des magistrats en matière de BC et autres infractions financières, afin de renforcer l’usage efficace des mesures répressives contenues dans les textes communautaires et nationaux en matière de LBC/FT ;
k) Désigner une autorité chargée de mettre en œuvre les SFC liées au FT et au FP et mettre en place un mécanisme de dissémination sans délai des listes de sanctions du CSNU aux assujettis. Le pays pourrait adopter, par exemple, une dissémination numérique par mail-groupe ;
l) Légiférer en matière d’actifs virtuels et désigner une autorité compétente en charge de l’agrément et du contrôle des PSAV afin d’assurer le respect des obligations de LBC/FT dans ce secteur conformément à la Recommandation 15 ;
m) Réviser le Règlement CEMAC afin d’assurer sa conformité aux normes et standards internationaux, en particulier et sans s’y limiter, corriger les lacunes de conformité technique relevées sur les Recommandations du GAFI R.5, R.13, R.16, R.23, R.24 ;
n) Mettre en place un mécanisme formel d’identification des BE dans le cadre du processus de création des personnes morales et de toute mise à jour des informations y relatives afin, d’une part de rendre disponibles les informations sur les BE des personnes morales et, d’autre part, de permettre aux assujettis de mieux respecter leur obligation d’identification et de vérification des BE de leurs relations d’affaires. Les autorités de contrôle et de supervision devraient s’assurer du respect de cette obligation;
o) Promouvoir et renforcer des politiques et programmes de formation à l’endroit de tous les acteurs du secteur des EPNFD de manière à améliorer la connaissance et la mise en œuvre efficiente des mesures préventives de LBC/FT dans ce secteur, en particulier leurs obligations de vigilance et de déclaration d’opérations suspectes ;
p) Intégrer dans les attributions des autorités d’autorégulation, de supervision et de tutelle des EPNFD, des responsabilités de contrôle LBC/FT et les doter des pouvoirs et ressources nécessaires pour mettre en œuvre une supervision basée sur les risques, en priorisant les EPNFD les plus à risques ;
q) Solliciter le Comité ministériel de l’UMAC et la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA), afin d’exiger que les autorités communautaires et inter[1]régionale de contrôle (COBAC, BEAC, COSUMAF et CIMA) accordent une plus grande attention à la problématique de la LBC/FT de sorte à en faire un axe majeur, au même titre que les autres exigences générales ou spécifiques, et que les risques de BC/FT soient une partie intégrante des considérations prises lors de l’élaboration de leurs stratégies et plans de contrôle ;
r) Réglementer la gestion des biens gelés, saisis et confisqués afin d’assurer la conservation et la gestion efficace desdits biens ;
s) Elargir son champ de coopération internationale, notamment en concluant des accords avec les pays confrontés au terrorisme et à son financement, en Afrique et à travers le monde et sensibiliser les autorités compétentes à faire un usage proactif de la coopération internationale dans les affaires de BC/FT qui ont des ramifications transnationales et mettre en place un mécanisme de partage des biens confisqués dans le cadre de la coopération internationale.
Source : Rapport d’évaluation mutuelle entre le Cameroun et le GABAC-mars 2022