Cameroun : Yaoundé et Douala bloquées dans le temps
Ordures ménagères envahissantes, embouteillages monstres, voiries urbaines cassées, pauvreté galopante, croissance démographique soutenue et hors de contrôle, anarchie urbaine, inondations…débordées, les deux capitales du pays sont menacées de chaos. Portrait de deux villes qui ne sont pas sorties du 20ème siècle.

20% de la population nationale (soit 5,7 millions d’habitants) en 2023 selon le Bureau central des recensements et des études de la population (Bucrep) ; 52,72% des unités productives du pays en 2023 soit 231 426 sociétés, entreprises et établissements selon l’Institut national de la Statistique (INS) ; 44% du Produit intérieur brut (PIB) du pays en 2022 selon la Banque mondiale : Yaoundé et Douala ne sont pas seulement les deux capitales (politique pour la première et économique pour la seconde) du Cameroun. Il s’agit de ses deux poumons, des concentrés de tous les Cameroun qu’elles subsument et recapitulent.
Sauf qu’en ce début septembre 2025, à la faveur de la rentrée scolaire dans le pays, Yaoundé et Douala sont bloquées, au propre comme au figuré, dans le temps: les ordures ménagères, 5,7 millions de tonnes produites par jour (soit 3 millions pour Yaoundé et 2,7 millions pour Douala selon les exécutifs des deux villes) n’y sont guère ramassées ; la voirie, déjà peu développée, y est cassée paralysant la mobilité urbaine ; le déficit de logements décents, difficile à évaluer avec précision, s’y compte en dizaines de milliers d’unités; la plupart des services, eau potable, électricité, téléphone fixe ou mobile, sont très partiellement disponibles.
Faute d’un système de drainage efficace et robuste, les inondations y sont récurrentes, comme en ce début de septembre 2025 où plusieurs zones d’habitation des deux villes sont totalement submergées d’eau.
Investissements en retrait, population galopante
Pendant les quatre dernières décennies, les investissements y ont été très faibles, alors que leurs populations croissaient à un taux annuel moyen de 5% selon la Banque mondiale. Sans aménagement, sans planification urbaine réelle, les deux villes s’étendent anarchiquement dans le sens de la largeur, installant des centaines de milliers de personnes dans des zones marécageuses et dangereuses pour l’habitation, sous le regard impuissant des exécutifs et des services techniques des deux villes et des autorités publiques nationales.
Résultat, un profil social plus que préoccupant : Douala donne un emploi à 50,1% de ses habitants selon les résultats de l’Enquête sur l’Emploi et le Secteur informel réalisée en 2021 et 2022 par l’INS, soit (en les croisant avec ceux du Bucrep de 2023) 1,6 millions de personnes. 49,1% des habitants de Yaoundé ont un emploi, soit, en procédant de la même manière, environ 1,25 millions de personnes.
Mais, un peu à l’image toutes les autres villes du pays, jusqu’à 80% de ces emplois sont fournis par le secteur informel agricole (12,8%) et non agricole (67,5%). Des emplois sans sécurité sociale, sans stabilité, et largement frappés du sous-emploi global (visible et invisible): 49% en 2021 pour Douala ; 49,6% pour Yaoundé la même année selon l’INS.
Conséquence logique : les taux de pauvreté y sont importants : 10,8% de la population de Yaoundé vivait avec moins de 813 Fcfa par personne et par jour en 2022 selon les résultats de la 5ème Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM5) réalisée en 2021/2022 par l’INS. Douala avait 8,3% de sa population dans la même situation selon la même source. A date, la situation a sans doute évolué. Dans le mauvais sens. Alimentant des inégalités structurelles déjà importantes.
Infrastructures résilientes
Parmi mille initiatives très en retrait par rapport aux besoins et bien souvent mal exécutées, le gouvernement a conçu un nouveau projet, baptisé Projet Villes et Gestion Foncières Durables (PVGFD) dans les villes de Yaoundé et Douala.
Le projet prévoit l’amélioration des infrastructures dites «transformatrices et résilientes» comme le développement de la voirie, l’aménagement des drains pour lutter contre les inondations ; l’amélioration de la salubrité et la mobilité urbaines ; l’amélioration de la gestion foncière pour permettre à ces deux villes de faire face à une pression foncière désormais insoutenable.
Le 2 juin 2025, la Banque mondiale avait approuvé un prêt de 200 millions USD (environ 115 milliards Fcfa) en faveur de ce projet via l’IDA (Association internationale de Développement).
Le 11 septembre 2025, le président de la République, Paul Biya, a autorisé le ministre en charge de l’Economie, Alamine Ousmane Mey, à signer l’accord de prêt y relatif, d’un montant cette fois de 121,3 milliards Fcfa.