Riz irrigué : le gouvernement camerounais veut faire des milliardaires chez les petits producteurs

Pour parvenir à leurs objectifs plutôt ambitieux dans cette sous-filière, les pouvoirs publics annoncent des investissements conséquents pour garantir aux exploitants des bénéfices particulièrement engageants.

A Yagoua, Lagdo, Guider, Ndop, Benakuma, Wum, etc, les petits producteurs, c’est-à-dire les exploitants de périmètres irrigués de 1,5 hectare en moyenne, se préparent à fondre sur des milliards de francs CFA. Selon les données de la stratégie de développement de la filière riz adoptée mi-mai 2023 par le gouvernement, la valeur actuelle nette (VAN) de chaque projet d’investissement dans cette sous-filière est estimée à 29,2 millions USD, environ 17,8 milliards FCFA d’Afrique centrale, avec un taux de change à l’achat entre ce FCFA et le dollar américain pondéré par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) ce 02 mai 2024 à 609,9 FCFA pour chaque USD.

La Valeur actuelle nette (VAN) est une actualisation des bénéfices futurs que vous pourrez réaliser dans le cadre d’un investissement. Il s’agit de l’une des variables-clés de mesure de la rentabilité d’un investissement, très surveillée par les investisseurs. Pour l’obtenir, il vous faut commencer par faire la somme des flux actualisés de trésorerie qui seront générés par l’exploitation de l’investissement sur une période pertinente. Il s’agit en fait de la valeur actuelle de ces flux futurs de trésorerie, évaluée en tenant compte de l’évolution anticipée de plusieurs variables parmi lesquelles le taux d’inflation. La deuxième opération consiste à réduire cette somme du montant de l’investissement à réaliser. La Valeur actuelle nette permet ainsi de déterminer la valeur actuelle de vos bénéfices futurs.

Dans le cas d’espèce, cela veut dire que chaque décision finale d’investissement portant sur une surface irriguée de 1,5 hectare en moyenne dans les bassins de production de riz du Cameroun augmente instantanément la richesse de celui qui la prend de 17,8 milliards FCFA. Ce qui veut dire encore que le bénéfice qu’il engrangera, dans sept ans par exemple, représente 17,8 milliards Fcfa aujourd’hui. Donc chaque fois que vous décidez, de manière irrévocable, de créer et d’exploiter un champ de riz irrigué de 1,5 hectare dans la Memchum par exemple, avant même d’avoir engagé le moindre franc, une bonne fée vous dépose devant votre porte, la minute d’après, un coffre-fort contenant 17,8 milliards Fcfa, net d’impôts (ce qui veut dire qu’avant de venir chez vous, la fée a fait un tour chez les fonctionnaires des impôts où elle a payé tous les impôts liés à ce revenu), qui vous appartiennent.

Un ticket d’entrée dissuasif

Selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, le taux de rentabilité interne (TRI), le taux d’actualisation qui annule la VAN, se situerait à 44,08% pour chaque projet de cette sous-filière, tandis que le délai de récupération, une autre variable-clé de mesure de la rentabilité d’un investissement, y est de 3,5 ans. Tout cela veut dire qu’en vous contentant d’un rendement annuel de 44,08%, vous récupérez tout le montant investi dans votre champ de riz irrigué au bout de 3 ans et demi d’exploitation.

Seule source de préoccupation dans cette série plutôt engageante, le prix du ticket d’entrée : pour créer et exploiter un champ de riz irrigué de 1,5 hectare, le gouvernement évalue les investissements nécessaires à plus de 71 milliards Fcfa en moyenne. Et selon les résultats d’une enquête menée auprès des producteurs en 2022 par le Comité de compétitivité, les aménagements hydro-agricoles représentent à eux seuls près de 38,5% du coût de production du riz paddy.

Le gouvernement souhaite parvenir à une production de 31 960 tonnes de riz blanchi à partir des périmètres irrigués de 1,5 ha en moyenne d’ici 2030, grâce à un rythme de production de deux campagnes par an, et un rendement projeté de 6 tonnes à l’hectare. Il a donc prévu d’investir environ 39 milliards Fcfa sur la période en construction et maintenance des routes, électrification des villages de producteurs, subvention à 90% des aménagements hydroagricoles et mise à disposition des terres en concession au bénéfice des exploitants.

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