Financement : le Cameroun à la peine pour contracter des prêts moins chers

Le montant de ces ressources dites concessionnelles se réduit année après année. Et le phénomène devrait s’amplifier avec la fin du programme avec le FMI, avec des conséquences graves pour la croissance économique.

Entre janvier et mars 2025, le gouvernement avait prévu de mobiliser, pour faire face à ses besoins de financement, 210 milliards Fcfa au titre des prêts projets. Il s’agit de ressources empruntées auprès de certains partenaires financiers bilatéraux ou multilatéraux du Cameroun pour financer des projets de développement (éducation, santé, agriculture, eau, assainissement, infrastructures socio-économiques, équipements collectifs, etc). Ces prêts se font à des taux beaucoup plus faibles que ceux des marchés des capitaux, souvent bonifiés, sur des maturités plus longues, et comportent en général une partie don.

Sur une prévision budgétaire de 210 milliards Fcfa, le gouvernement n’a pu mobiliser que 38,6 milliards Fcfa, soit un écart de 171,4 milliards Fcfa et un taux de réalisation de 18,38%.

Et cette contre-performance est loin d’être isolée. Sur les deux derniers exercices, au moins, les ressources mobilisées au titre des prêts projets à l’issue du premier trimestre sont restées obstinément en retrait par rapport aux prévisions des lois de finances initiales du pays.

En 2024, l’écart s’est affiché à 159,4 milliards Fcfa, soit un taux de réalisation de 29,71%. En 2023, les ressources mobilisées étaient en retrait de 50 milliards Fcfa, soit un taux de réalisation de 63,55%, comme le précise le tableau ci-dessous.

Dans ce domaine, pour le gouvernement, il a toujours suffi d’un faux départ. Car les performances annuelles ont été à l’image de celles du premier trimestre. En 2024 par exemple, sur des ressources projetées à 907,2 milliards Fcfa en loi de finances initiale (LFI) finalement ramenées à 783,2 milliards Fcfa en loi de finances rectificative (LFR), le gouvernement n’a pu mobiliser auprès de ses partenaires financiers que 574,9 milliards Fcfa de prêts projets, soit un écart de 208,3 milliards Fcfa par rapport aux prévisions de la LFR, et une performance de 73,4%.

Si la loi de finances était restée telle qu’initialement votée et adoptée par le Parlement, les recettes non mobilisées auraient été de 332,3 milliards Fcfa, soit une performance de 63,37%. Pas très éloignée de la performance de l’année 2023 (voir tableau ci-dessous).

Contre-performances sur les tirages des prêts-projets, mais aussi sur les tirages des prêts-programmes, qui sont aussi concessionnels, mais qui sont en général fournis sous forme d’appuis budgétaires par les partenaires financiers multilatéraux avec lesquels le pays est sous programme. En 2023, le gouvernement avait prévu de mobiliser 92 milliards Fcfa au titre des prêts programmes. Selon le Tableau de bord des finances publiques (base ordonnancement), il est parvenu à décaisser 49,6 milliards Fcfa, soit une performance de 53,91%.

De ce point de vue, 2024 a été plus mauvaise. Les ressources levées se sont affichées à 48,6 milliards Fcfa, sur une prévision de 146 milliards Fcfa, soit un écart de 97,4 milliards Fcfa et une performance de 33,28%.

Là aussi, les performances annuelles se sont inscrites sur celles des premiers trimestres des différents exercices depuis 2023. En 2023, la loi de finances initiale avait budgétisé des ressources d’un montant de 68,7 milliards Fcfa. Pas un Fcfa n’a été levé. Performance nulle aussi l’année d’après, alors que le trésor public attendait 38 milliards Fcfa.

Facilité pour la Résilience et la Durabilité

Il convient cependant de relever la bonne tenue de l’exercice budgétaire en cours : au premier trimestre, le gouvernement a mobilisé une enveloppe de 169 milliards Fcfa, sur une inscription budgétaire de 41,3 milliards Fcfa, soit une performance de 409,2%. Glissement des appuis budgétaires du Fonds Monétaire International (FMI (45 milliards Fcfa) ; revalorisation de l’appui de la Banque Mondiale (4 milliards Fcfa), report de la deuxième moitié du décaissement du FMI dans le cadre de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD), etc. Ce sont donc les ressources non mobilisées en 2024 qui ont ainsi afflué dans les caisses de l’Etat au début de l’année.

Or les programmes de réformes économiques et financiers exécutés avec le FMI depuis 2021 grâce auxquels le pays a pu mobiliser ces ressources conditionnelles ont été clôturés en juillet 2025, en particulier le Programme au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) et du Mécanisme Elargi de Crédit (MEDC). Ce programme était soutenu par d’autres partenaires techniques et financiers comme la Banque Mondiale, l’Union Européenne et la Banque Africaine de Développement (BAD), qui ont apporté d’importantes ressources concessionnelles au pays.

L’arrêt de ces programmes est désormais critique pour le pays, dont les besoins en ressources pour faire face aux besoins de développement et d’équipement de l’économie, entre autres, sont importants.

5167 milliards Fcfa

En particulier, les ressources nécessaires à la mise en œuvre optimale de la Stratégie Nationale de Développement (SND30) durant le triennat 2025-2027 sont estimées par le ministère en charge de l’Economie, à 5167 milliards Fcfa. Face à des ressources internes en augmentation certes, mais largement en retrait par rapport aux besoins, le gouvernement devra avoir recours à la dette, et à la dette à moindre coût.

La Banque mondiale, l’un des partenaires du pays dans le cadre des Programmes avec le FMI on l’a vu, a déjà une position définitive sur la question : la fin de ces programmes est un «risque majeur» pour les perspectives économiques du pays : «Un niveau d’appui budgétaire des bailleurs externes inférieur aux prévisions exercerait des pressions sur les liquidités, conduisant à une accumulation d’importants montants d’arriérés et à des réductions des dépenses d’investissement (et) des difficultés à financer le déficit du compte courant tout en maintenant un niveau soutenable des avoirs extérieurs nets» soutient l’institution financière internationale, qui assure que la situation devrait déboucher sur une «croissance plus faible en raison de la baisse des investissements publics».

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