Numérique: le Kenya prévoit d’investir 4191,4 milliards USD en 10 ans
Le gouvernement vient de se doter d’un plan stratégique pour poursuivre l’opérationnalisation, dans et à travers le secteur du numérique, de sa Vision de développement à l’horizon 2030
Le gouvernement kenyan s’est doté d’un plan stratégique du développement du secteur numérique pour la période 2022-2032. A travers ce plan stratégique, il entend renforcer la contribution du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication et du numérique dans la croissance économique du pays. Car depuis le début de la décennie 2010, le numérique occupe une place importante dans l’économie et la vie sociale du Kenya.
Selon le président Kenyan Uhuru Kenyatta, entre 2014 et 2017, de nombreuses réalisations ont été accomplies dans le domaine du numérique : 8900 km de fibre optique ont été déployés jusqu’aux chefs-lieux des provinces du pays ; 4300 km ont aussi été déployés le long des principaux axes routiers du pays ; 4600 km de câbles de fibre optiques au total ont été posés dans les principales métropoles du pays et même dans l’arrière du pays ; entre autres.
Ayant mesuré la puissance de levier du numérique, Nairobi compte accélérer la cadence. Toujours selon le président Kenyan, le Plan Stratégique 2022-2032 prévoit l’installation de 100 000 km de fibre optique à travers le pays, l’automatisation et la digitalisation des services gouvernementaux. 10 mille hauts cadres et 300 mille fonctionnaires devraient être formés à la fin de la période dans les métiers du numérique les plus pointus et dans la protection des données. De plus, 350 mille enseignants acqueront des compétences dans le domaine du digital. Le Kenya envisage aussi de remanier sa législation en matière de protection des infrastructures numériques. Seront aussi mis en chantier, le cadre légal de la cybersécurité et l’ensemble des politiques publiques relatives au développement numérique dans le pays. En définitive, le Kenya compte s’appuyer massivement sur le numérique pour faire progresser les droits humains et en particulier les quatre piliers de son agenda de développement : la sécurité alimentaire, le logement social et abordable, la production manufacturière, et les soins de santé abordables.
Convergence de vues
Montant des investissements à réaliser sur la période : 484 241 milliards Shillings Kenyans, soit 4 191,4 milliards USD. Ces ressources proviendront des revenus tirés de l’exploitation des infrastructures numérique actuellement en exploitation, des allocations budgétaires, du soutien des partenaires au développement, des partenariats publics/privés, entre autres. A l’analyse, cette option stratégique du Kenya signe une convergence de vue avec les recommandations des principaux partenaires au développement sur le continent.
Depuis 2009, la Banque africaine de Développement (BAD) par exemple, encourage les gouvernements africains à actualiser et/ou à accélérer la révolution numérique pour profiter de ses nombreux avantages. La crise sanitaire liée à la Covid-19 qui a rendu nécessaire le recours à la distanciation physique, a été une occasion idoine, pour l’institution financière, de renouveler son discours. Dans l’édition 2021 de ses «Perspectives économiques en Afrique», la BAD assure que la digitalisation et la concurrence loyale seront des leviers fondamentaux pour relancer la croissance. «Deux tâches importantes pourraient sous-tendre les programmes de relance des économies africaines : accélérer la digitalisation-fournir un effort soutenu pour tirer parti des technologies numériques-afin de propulser l’Afrique dans la quatrième Révolution industrielle et stimuler la création d’emplois (…)», écrit en effet la BAD.
Couverture 4G
Même crédo à l’Union Africaine (UA), dont la Commission a conjointement publié avec l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), en 2021, la troisième édition de son rapport économique annuel, consacré justement à la transformation digitale du continent. «La transformation digitale peut être le moteur d’une croissance plus innovante, inclusive et durable, et ainsi contribuer à la réalisation de l’Agenda 2063», écrit en effet la Commission de l’UA, qui met d’ailleurs en lumière de nombreux exemples de l’inventivité numérique du continent que la crise de la COVID‑19 semble avoir stimulés et/ou renforcés.
Selon le rapport de l’Union africaine, l’Afrique de l’Est apparaît comme l’une des sous-régions les plus dynamiques du continent en matière de transformation digitale. Par exemple, la couverture 4G s’y est rapidement étendue, passant de 1,5% de la population en 2012 à 52% de la population en 2020. Elle compterait, selon l’UA, le plus grand nombre de comptes de paiement mobile au monde, avec un ratio de 1106 titulaires de comptes pour 1000 adultes, contre 600 en Afrique, et 533 en Asie. De plus, le nombre de pôles de startups y a fortement progressé passant de quelques-uns en 2009 à 113 en 2019. Preuve supplémentaire de ce dynamisme, et toujours selon la même source, en 2019, les startups technologiques d’Afrique de l’Est ont levé plus de 729 millions USD d’investissements. Le Kenya arrive en tête de ce classement sous-régional avec 564 millions USD, devant le Rwanda (126 millions USD), l’Ouganda (38 millions USD). Enfin, c’est bien au Kenya et en Tanzanie que Vodafone a lancé en 2007, le célèbre M-Pesa, le système de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone mobile qui a favorisé l’inclusion financière de millions d’Africains.
Recommandations
Mais pour aller plus vite et plus loin, le rapport de l’Union Africaine recommande aux Etats de l’Afrique de l’Est, entre autres, «d’investir dans le développement des ressources humaines pour disposer d’une main‑d’œuvre capable de répondre aux futures attentes du marché du travail; de favoriser l’esprit d’entreprise et l’innovation dans l’économie numérique; et de miser sur la coopération régionale pour déployer des infrastructures partagées et instituer un marché unique numérique». Selon l’institution régionale, les économies de l’Afrique de l’Est se passeront difficilement du numérique si elles veulent être prêtes à absorber les milliers de jeunes qui arriveront chaque année sur le marché du travail. «D’ici à 2030, environ 7.2 millions de jeunes vivant en Afrique de l’Est atteindront chaque année l’âge de travailler. Actuellement, cependant, 20 % des jeunes seulement ont un emploi salarié à plein temps», écrit en effet l’Union africaine.
Naïrobi semble avoir bien compris le message…