Marchés mondiaux : le kg de cacao va rapidement atteindre les 10 USD (6063 FCFA)

Selon les analystes, les cours mondiaux de l’or brun vont continuer de s’apprécier au moins jusqu’en 2025.

Lorsque, mi-février 2024, alors que la tonne de cacao s’échangeait contre 5 600 USD à New York, Citigroup Inc avait annoncé qu’elle atteindrait les 10 000 USD avant la fin 2024, beaucoup d’analystes n’avaient pas suivi ces prévisions «irréalistes». Depuis, le marché s’est emballé, et la chronique de cette matière première lui donne raison. Depuis janvier 2024, les cours mondiaux du cacao ont doublé. Après avoir clôturé hier 21 mars à 8324 USD (5 047 FCFA le kilogramme) la tonne, ils se sont renforcés de 2,82%, en s’affichant à 8559 USD (5190 FCFA le kilogramme) à l’ouverture de la séance de ce 22 mars 2024.

A l’œuvre, des contraintes conjoncturelles certes, mais aussi des limites structurelles que le marché n’arrive plus à dissimuler, et dont les effets ne peuvent plus être différés. A commencer par la forte concentration de l’offre mondiale de fèves. Selon le pointage de décembre 2023 de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), des 5,8 millions de tonnes de fèves récoltées des fermes mondiales en 2022, à eux seuls, la Côte d’Ivoire (2,2 millions de tonnes) et le Ghana ont apporté 3,3 millions de tonnes, soit 57% de l’offre mondiale. Dans ces conditions, la moindre contrainte dans ces deux pays a un effet papillon sur le marché global. Et c’est précisément ce qui se produit depuis des mois.

Selon l’agence météorologique ivoirienne Sodexam, les précipitations de l’année 2022 ont été de 20 à 40% supérieures à la moyenne de 1991-2022 dans le pays. Selon l’agence, la quantité d’eau tombée entre juin et août 2022 dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire, principal bassin de production du pays, serait de 640 mm supérieure à la moyenne des trente dernières années. En pleine floraison, le mois de juillet 2023 a été particulièrement pluvieux, ennoyant l’essentiel des fermes du Haut et du Bas Sassandra, du Lôh-Djiboua, du Moyen-Cavally, du Moyen-Comoe, entre autres. Conséquence : les fleurs sont tombées, et faute de produits phytosanitaires dont la disponibilité et l’accessibilité ont été contrariées par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, celles qui ont pu atteindre le stade de cabosses ont pourri du fait de l’humidité.

«Swollen shoot»

Ajoutez-y la part du «Swollen shoot», cette maladie virale endémique venue du Ghana voisin et qui malmène les arbres de la quasi-totalité des bassins de production ivoiriens ; ajoutez-y le ralentissement du rythme des mises en cultures et le fait que le vieillissement des plantations en a réduit les rendements ; ajoutez-y, enfin, un prix aux producteurs administré, protecteur en période de baisse des cours mondiaux, mais particulièrement désincitatif et décourageant en périodes d’embellie des marchés globaux, et vous comprendrez pourquoi la production éburnéenne s’est essoufflée au fil des années, avant de passer au rouge depuis quelques mois.

Mi-décembre 2023, les autorités ivoiriennes ont dû concéder une révision à la baisse de leurs prévisions de récoltes pour la campagne 2023-2024, à 1,75 millions de tonnes. Trois mois plutôt, elles attendaient 1,8 millions de tonnes de fèves des cacaoculteurs ivoiriens. L’Organisation internationale du cacao (Icco) estime désormais la production de la Côte d’Ivoire à l’issue de cette campagne à 1,395 millions de tonnes. Rappel : à l’issue de la campagne 2022-2023, ceux-ci avaient récolté 2,2 millions de tonnes de fèves de cacao.

Actives-avec certes moins de vigueur-au Ghana voisin, dont la production nationale de fèves en recul de 11% par rapport à la campagne 2022-2023 est attendue à 580 mille tonnes, ces contraintes vont conduire, selon l’Organisation internationale du cacao, à un effacement de l’offre mondiale de l’ordre de 11% en lecture annuelle, à l’issue de la campagne 2023-2024. Dans son premier bulletin trimestriel pour l’année 2024, l’Icco annonce en effet un repli de la production mondiale à 4 449 millions de tonnes, ce qui laisserait le marché mondial avec un déficit de 374 mille tonnes à combler. Un an plutôt, selon la même source, ce déficit était de 74 mille tonnes !

Source: Icco

S’il ne faut pas sous-estimer la part des anticipations autoréalisatrices, l’envolée des cours mondiaux du cacao est surtout la conséquence directe du creusement de ce déficit entre l’offre et la demande mondiales de fèves. Et si les prévisionnistes (depuis, l’agence de presse Bloomberg a repris à son compte les prévisions de Citigroup Inc) sont si certains que ces cours devraient rapidement dépasser les 10 mille USD la tonne, c’est au nom d’un renforcement attendu du déséquilibre du marché mondial.

Stocks mondiaux en chute

D’une part, l’offre mondiale pourrait être plus modeste que prévu, en raison, une fois de plus, des aléas météorologiques sur la côte ouest du continent africain. Le 20 février 2024, la Sodexam alertait sur une hausse exceptionnelle des températures dans plusieurs régions de la Côte d’Ivoire. Une accélération, en somme, du réchauffement global du pays, au sujet duquel l’agence émet des alertes depuis au moins le mois de mars 2023. Selon l’agence, les mois de janvier et février 2024 ont enregistré des températures de 27,9° C, supérieures de 1,1°C par rapport aux moyennes de début d’année. De plus, les quantités d’eau de pluie tombées en janvier 2024 dans le pays sont de 13% inférieures à la moyenne de saison.

La faute, selon l’agence, au phénomène El Nino, qui réchauffe les eaux de la partie est de l’Océan pacifique. «Les conditions sèches peuvent provoquer des invasions de ravageurs et des maladies affectant les cabosses de cacao», écrit l’ONG internationale «Action contre la faim», pour laquelle le phénomène El Nino «constitue une menace majeure» pour le cacao.

D’autre part, les stocks mondiaux de fèves, qui ont jusqu’ici servi de matelas et mitigé l’impact de la baisse de production de fèves, devraient tomber à 1,4 million de tonnes, leur plus bas niveau depuis 45 ans selon l’Icco.

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