Réduction de la pauvreté: pourquoi le FMI doit réformer son Fonds dédié

Sous-financement, révision de la limite d’accès, etc, le Fonds Fiduciaire pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance du Fonds Monétaire International (FMI), son principal instrument de financement des pays à revenus faibles, est sous pression. Sa légitimité et son efficacité futurs tiennent de la capacité de l’institution financière internationale, à l’aligner sur les préoccupations des pays pauvres.

Le Fonds Fiduciaire pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (Fonds Fiduciaire RPC), le principal véhicule du Fonds Monétaire international (FMI) dans la fourniture des prêts concessionnels aux Pays à Faibles Revenus (actuellement ces prêts se font à taux zéro selon le FMI), éprouve des difficultés de reconstitution de ses ressources. Le Fonds Fiduciaire RPC permet à la fois de financer des programmes économiques dans ces pays, mais il sert aussi de levier de mobilisation de financements additionnels venants de donateurs, d’institutions de financement du développement, et du secteur privé. Le FMI estime par exemple que pour chaque dollar américain (USD) de subvention reçu, ce Fonds, qui est abondé de prêts et de subventions, permet d’accorder 5 USD aux Pays à Faibles Revenus.

Dès les premières heures de la Covid-19, c’est ce guichet que le FMI a rapidement mobilisé pour soutenir les Pays à Faibles Revenus face à la pandémie, avec de nouveaux engagements de 6,5 milliards de Droits de Tirage Spéciaux (DTS), soit environ 9 milliards USD pour la seule année 2020. Et depuis, le FMI dit avoir versé, à travers ce guichet, 22 milliards de DTS (29 milliards USD) à plus de 50 de ces pays, de Haïti à la République Démocratique du Congo, pour leur permettre de maintenir leur stabilité financière.

Face à la croissance exponentielle des besoins de ces pays, le FMI estime que les sollicitations du Fonds Fiduciaire RPC par les Pays à Faibles Revenus vont atteindre les 30 milliards de DTS (40 milliards USD) entre 2020 et 2024. La réponse à la Covid-19 ayant entraîné une mobilisation sans précédent de ce véhicule, le FMI en a engagé la reconstitution des ressources, pour lui permettre de rester aux côtés de ses clients. Selon le FMI, les ressources additionnelles dont son Fonds Fiduciaire RPC a besoin se montent à environ 14,9 milliards de DTS, soit environ 19,9 milliards USD. Les besoins en prêts se montent à 12,6 milliards de DTS, soit 16,8 milliards USD, le reste, 2,3 milliards de DTS (3,1 milliards USD) devant être mobilisé sous forme de subventions.

Les attentes déçues de Marrakech

Au 31 juillet 2023, le FMI disait avoir bouclé la mobilisation des ressources en prêt et comptait sur ses Assemblées annuelles qui se tenaient au Maroc, pour convaincre les donateurs de combler le gap de 1,2 milliards USD de subventions qui restait alors à lever. Ces Assemblées annuelles se sont achevées sans nouveaux financements.

Mais au-delà de cette question du sous-financement, le Fonds Fiduciaire RPC fait face à un autre problème de gouvernance, et notamment les barrières techniques qui limitent l’accès à ses ressources aux pays pauvres : déficit de financement du fonds, on l’a vu ; rudesse des conditions requises pour bénéficier du programme ; processus de candidature et de décaissement particulièrement longs ; etc. Et dans les pays en développement, les appels au démantèlement de ces barrières se multiplient.

«Nous encourageons le Fonds monétaire international (FMI) à réduire les obstacles qui limitent l’accès aux solutions de financement qu’il propose», écrivaient, le 10 octobre 2023, les ministres du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement, dans le communiqué final de leur 110ème réunion tenue à Marrakech, au Maroc.

Quatre jours plus tard, ce sont les pays africains, membres du Comité Monétaire et Financier International du FMI, qui adoptaient une position similaire. «Nous saluons la priorité accordée par la directrice générale (du FMI, ndlr) à la mobilisation de ressources afin de réduire les déficits de financement du Fonds fiduciaire RPC. (…). Nous soutenons son appel à combler le déficit restant du compte de subvention du Fonds fiduciaire RPC. Nous espérons une révision rapide des limites d’accès du Fonds fiduciaire RPC dans le cadre d’une revue intermédiaire une fois que des progrès substantiels auront été réalisés en matière de mobilisation de fonds» posaient-ils dans leur déclaration commune lors des travaux de la 48ème réunion de cette instance, le 14 octobre 2023. Avant de proposer un «alignement des limites d’accès du Fonds fiduciaire RPC sur celles du Compte des ressources générales» qui constituerait, selon eux, «une amélioration importante des instruments du FMI et préserverait l’équité entre les membres».

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