Investissement public : le gouvernement n’atteindra que la moitié de ses objectifs d’ici à 2027

En 2020, l’exécutif s’était engagé à porter le niveau des ressources publiques allouées annuellement aux dépenses en capital à 40% du budget de l’Etat d’ici 2030. C’est péniblement que ces ressources dépassent les 20%. Et selon les prévisions du gouvernement, la tendance ne devrait pas changer, au moins jusqu’en 2027.

Pour 2025, les autorités publiques avaient prévu, dans le cadre de la Loi de finances initiale, d’affecter 1650,2 milliards Fcfa au Budget d’investissement public (BIP).

Sur un budget global de l’Etat de 7317,7 milliards Fcfa, cette allocation représentait 22,55%.

Le 11 juillet 2025, le président de la République a modifié par ordonnance cette Loi de finances. Le budget de l’Etat est passé à 7735,9 milliards Fcfa. Le BIP à 1639,2 milliards Fcfa, soit 21,18% du budget de l’Etat.

Dans l’un et l’autre cas, on est loin de la cible de 40% fixée par le gouvernement dans la Stratégie de Développement du pays entre 2020 et 2030 (SND30).

Pour atteindre un taux de croissance annuel moyen de 8% jugé nécessaire pour réaliser l’ambition d’émergence du pays, le gouvernement s’était en effet engagé à consacrer 40% de ses dépenses budgétaires à l’investissement public.

Mais depuis le début de la décennie, cet objectif d’allocation est loin d’être atteint, comme le montre le tableau ci-dessous.

Dans les faits, le gouvernement s’est imposé une contrainte majeure qui explique amplement ces contreperformances.

En 2021, face à des tensions de trésorerie persistantes, il a dû conclure avec le Fonds Monétaire international (FMI), un accord triennal portant sur des réformes économiques et financières.

Premier objectif de cet accord : rétablir les comptes macroéconomiques, en particulier les comptes publics, en imposant au gouvernement une cure budgétaire.

Face à des dépenses courantes inélastiques, la première victime de ce plan de consolidation budgétaire a été le Budget d’investissement public.

Et comme le tableau ci-dessus le montre, le gouvernement a signé sa meilleure performance allocative en matière du BIP en…2020, première année de septennat, seule année sans FMI.

Autre observation notable : c’est en 2024, année initiale de clôture du programme avec le FMI, que la dotation du BIP a entamé une remontée, après trois années de baisses constantes.

Performances préoccupantes

C’est finalement le 24 juillet 2025 que le Conseil d’administration du FMI a clôturé ce programme. Tous les résultats initiaux n’ont pas été atteints, mais les finances publiques sont moins exsangues qu’en 2021.

En 2023, le déficit budgétaire global s’est fixé à 0,6% du Produit intérieur brut (PIB). Il a certes fini à 1,5% du PIB en 2024 alors que le gouvernement s’était engagé à le baisser à 0,4% du PIB.

De même, pour 2025, la cible du déficit budgétaire a été relevée à 0,8% du PIB en Loi de finances rectificative, alors qu’elle avait été fixée à 0,3% du PIB en loi de finances initiale.

Ces performances sont globalement jugées préoccupantes. Mais l’on on est loin de 2021, où le déficit budgétaire global pointait à 3,3% du PIB (base ordonnancement hors dons) et à 3,6% du PIB (base caisse).

Alors, une vive attente se forme vis-à-vis du gouvernement : ayant retrouvé plus d’autonomie dans la gestion budgétaire, il devrait se lancer dans une grande campagne d’investissement public pour garder le sentier de l’émergence en 2030 actif.

Un changement net d’option politique-quitte à creuser, pour la bonne cause, le déficit budgétaire-face à des besoins importants.

En particulier, les ressources nécessaires à la mise en œuvre optimale de la SND30 durant le triennat 2025-2027 sont estimées par le ministère en charge de l’Economie, à 5167 milliards Fcfa.

Le portefeuille des 51 Projets d’investissement prioritaires (PIP) va exiger 7863 milliards Fcfa au trésor public, dont 2050 milliards Fcfa prévus pour cette seule année 2025 (voir ci-dessous).

Mais à l’observation, le gouvernement semble pris au piège de la dépendance au sentier emprunté (Path dependency): s’il consent à relever le sentier de l’allocation du BIP, ce n’est que modérément.

Comme le montre le tableau ci-dessus, ce n’est que péniblement que la dotation du BIP atteindra 26% du budget de l’Etat en 2027.

Difficile, dans ces conditions, d’attendre les objectifs de croissance économique et de développement de la SND30, d’autant que ces deux dernières variables sont positivement et fortement corrélées au niveau d’investissement public.

Ce sous-investissement public explique déjà en grande partie les sous-performances actuelles du gouvernement.

La croissance est attendue à une moyenne de 6,6% depuis 2021 selon les propres engagements de l’exécutif: elle s’est montée à 3,7% en 2022, sa meilleure performance sur la période.

Le gouvernement l’espère désormais à 4,2% en 2026 et 4,4% en moyenne sur la période 2026-2028. Après 3,2% en 2023 et 3,5% en 2024.

Quant aux emplois, l’économie camerounaise a pu créer 381 273 emplois en 2022 selon l’Observatoire national de l’Emploi et de la Formation professionnelle (Onefop).

Selon la même source, elle avait ouvert 358 247 postes d’emplois en 2021, et 330 857 en 2020.

Depuis le début de la mise en œuvre de la SND30, l’économie camerounaise a donc créé environ 357 mille emplois en moyenne annuelle sur la base des données disponibles.

Largement en dessous des 511 857 emplois créés en 2019, dernière année de mise en œuvre du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi dont les résultats décevants, notamment en matière d’emploi, avaient justifié l’élaboration et la mise en œuvre de la SND30.

Largement en dessous aussi de l’engagement pris par le gouvernement en la matière dans le cadre de la SND30 : 536 661 postes d’emplois à créer par an durant toute la décennie, allant de 270 365 emplois en 2021 à 824 701 postes en 2030.

A lire également