Matières premières: une opportunité pour l’Afrique

Dans un contexte mondial de compétition accrue pour la sécurisation des approvisionnements en matières premières, le continent se retrouve au centre des agendas et des attentions.

L’un des moteurs de la croissance de l’offre sur la décennie sera la lutte pour l’autonomie dans l’approvisionnement, qui sera, dans le double contexte de la montée des tensions géopolitiques pour le contrôle des ressources stratégiques et des profondes perturbations des chaînes logistiques internationales, l’un des facteurs-clés du développement des marchés.

Les annonces de projets se multiplient ainsi en Chine, on l’a vu, mais aussi en Amérique du Nord et en Europe, qui ne veulent pas se laisser distancer par Pékin, et en devenir dépendantes à l’avenir. Dans son récent rapport intitulé «How Europe’s Gigafactory boom will transform the Storage market”, la European Research and Consultancy Company annonce que l’Europe va se doter de 35 grandes usines de production de batteries de stockage d’ici 2025. Certains analystes européens estiment les capacités qui seront ainsi installées à plus 664 GWh.

Sur le continent africain, les industriels mondiaux ne se bousculent pas encore, malgré les énormes avantages absolus et comparatifs du continent, mais aussi la volonté des dirigeants africains de capter plus de valeur ajoutée.

Le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) est en ce cas emblématique. La RDC détiendrait les plus grandes réserves mondiales de lithium, l’une des ressources minérales indispensables pour la fabrication des batteries de véhicules électriques. Dans le même temps, selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), 69% du minerai de cobalt (l’autre composante essentielle de la fabrication des batteries des véhicules électriques, avec le nickel, le graphite) transformé et utilisé dans le monde est extrait du sous-sol de la RDC.

Pourtant, le pays ne dispose ni de filière métallurgique, ni de filière industrielle et encore moins de filière technologique sur cette chaîne de valeur.

Acteurs régionaux

En 2021, BloombergNEF estimait, à l’issue d’une étude commandée entre autres par la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), la Banque africaine de Développement (BAD) et Afreximbank sur les capacités du continent à se doter d’une chaîne de valeur régionale unifiée dans la mobilité propre, qu’au regard de son potentiel minier et hydro-électrique, la RDC peut devenir un grand producteur des métaux intermédiaires nécessaires à la fabrication des cathodes des batteries lithium-ion. Il faudrait, selon cette étude, 39 millions USD pour installer en RDC une usine d’une capacité de production de 10 mille tonnes métriques de cathode de cette technologie. En comparaison, toujours selon BloombergNEF, la même usine coûterait environ 117 millions USD aux USA, 112 millions USD en Chine, et 65 millions USD en Pologne.

De plus, souligne BloombergNEF, même pour l’aval européen (production des cathodes et autres composants en Pologne, assemblage final des batteries électriques en Allemagne), l’installation d’usine de production de ces métaux de fabrication des cathodes des batteries ion-lithium en RDC offrirait des avantages environnementaux et climatiques, avec une réduction des émissions de Gaz à effet de serre de 30% par rapport à l’approvisionnement actuel à partir de l’Asie.

Au cours de l’African Business Forum 2021 qui, à Kinshasa, avait servi de cadre à la publication du rapport d’étude de BloombergNEF, le Président Congolais Félix Tshisekedi avait beaucoup insisté sur la volonté de son pays de capter plus de valeur ajoutée dans cette chaîne de valeur dont la croissance sera météoritique au cours des prochaines années. Selon BloombergNEF, le marché mondial des véhicules électriques va croître de 7 trillions (7 000 milliards) USD entre 2021 et 2030, et de 46 trillions USD entre 2021 et 2050, et va entraîner dans son élan, celui des batteries électriques. Kinshasa a donc entrepris d’assainir son secteur minier, pour le rendre plus attractif.

Mais si la filière minière congolaise attire de plus en plus les Majors Players mondiaux, les projets dans les filières aval restent rare. La Chine, premier producteur de batteries électriques dans le monde, est plus préoccupée par l’exploitation et la rentabilisation des capacités qu’elle a installées sur son sol et qu’elle continue d’y installer. Les USA et l’Europe, dont les ambitions climatiques sont importantes, ont aussi entrepris de s’équiper, pour se sortir de leur dépendance vis-à-vis de l’Asie sur ce marché. La remontée de la chaîne de valeur espérée par les autorités congolaises pourrait finalement venir d’acteur régionaux, intéressés par le marché africain, dont l’expansion est annoncée par les spécialistes les plus sérieux de la transition énergétique.

A lire également